Face aux défis de la transition écologique, nous sommes nombreux à vouloir agir, mais faut-il forcément quitter son poste et se reconvertir pour plus de sens ? La tentation est certes souvent réelle d’aspirer à un job à impact, qui permet un engagement social et environnemental tout en travaillant.

Cependant, il y a loin de la coupe aux lèvres. Aussi, je recommande de mettre du discernement dans ses décisions avant de se lancer à la recherche d’un métier écologique. Les changements à engager sont multiples et nécessitent donc l’implication de tous les acteurs, dans toutes les organisations, même les moins vertueuses.

 

Le premier pas vers l’impact positif commence par soi

 

Les actifs qui se mobilisent contre le réchauffement climatique peuvent vite ressentir un sentiment de schizophrénie. D’un côté, ils militent pour la cause écologique. Et de l’autre, ils entretiennent par leur job un système désastreux en termes de développement durable. Face à ce dilemme, la volonté de regarder les offres d’emploi à impact social et positif est forte.

Pourtant – et c’est une évidence qui mérite d’être rappelée – le travail ne fait pas tout. A cet égard, nombre de cadres cherchent un meilleur équilibre entre vie professionnelle et privée. Alors, n’est-ce pas le moment d’appliquer cette aspiration en commençant par trouver son impact en dehors de son « bullshit job » ?

C’est en tout cas le premier conseil à suivre avant de tout plaquer. Ce serait un même un excellent test pour se prouver qu’on est capable de changer les choses … en commençant par soi-même.

Par provocation, celui ou celle qui ne s’attelle pas à la transition écologique dans sa vie personnelle a peu de chance de changer le monde dans sa boîte. L’idée simple consiste donc à se trouver un terrain d’expérience d’impact positif et social dans sa vie personnelle.

Myriam a ainsi renoncé pour le moment au grand changement écologique. Commerciale dans une ESN, elle a ainsi choisi de s’engager dans une action bénévole d’aide aux femmes migrantes. Son engagement lui permet de se sentir utile sans changer de métier. Ce choix l’aide à supporter certaines incohérences de son travail sur le plan de la transition écologique et sociétale.

Ainsi, on peut se consacrer à des activités à impact social et positif en parallèle de son travail. Pourquoi ne pas sinon mener un « side project » tourné vers l’économie sociale et solidaire ? Ce projet jouerait comme un exutoire face à l’injonction paradoxale du monde professionnel. Il permettrait d’agir à une échelle personnelle, plus à la portée de chacun.

 

Deuxième étape : amener plus d’impact positif et social de l’intérieur

 

Mais cette forme d’action est souvent déjà présente chez les personnes les plus sensibilisés à la question du développement durable. Ces dernières ont par conséquent commencé à entreprendre à leur niveau des changements qui participent à créer de nouveaux comportements.

Que ce soit en termes de consommation ou de mode de vie, voire de choix d’organisation, les salariés les plus engagés ont développé des capacités dont ils n’ont pas toujours conscience. Ainsi, ils sont capables de conduire un changement et d’aligner leurs actes et leurs valeurs.

Ces capacités peuvent être alors mobilisées à l’intérieur des organisations dont ils sont les acteurs, voire les managers. Ceux qui ont expérimenté des ruptures dans les habitudes de vie disposent d’une capacité de persuasion redoutable. Elle peut ainsi largement être déployée auprès des collègues, des partenaires ou des fournisseurs, afin de propager de nouveaux usages à impact au sein d’une entreprise.

En d’autres termes, les salariés engagés possèdent un réel pouvoir d’influence. Ils disposent de la faculté de faire évoluer les comportements de leur propre organisation vers la transition écologique, sans quitter leur job. Cet force d’impact est en particulier à la portée des cadres, managers ou personnes dans un emploi en situation de décision.

Antoine était ingénieur dans une petite entreprise de fabrication de moteurs basée en région Aquitaine. Il a ainsi réussi à convertir dès 2019 ses équipes au télétravail, dans une culture industrielle très attachée au présentiel. Son idée de l’époque : réduire les trajets inutiles et l’empreinte carbone de sa société, en agissant au niveau de son service. Et sans le savoir, il a préparé sa PME à réagir aux confinements de la crise sanitaire !

 

Et si on veut vraiment partir pour un job à impact ?

 

Cependant, les ambitions de certains sont parfois douchées par les multiples raideurs du management. Les petites touches de changement peuvent paraître à d’autres disproportionnées par rapport aux grands défis écologiques et sociaux à relever. Aussi, face à un sentiment d’insuffisance des impacts sur la transition écologique, l’issue consisterait-elle à se reconvertir dans un métier à impact ?

 

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Une telle décision ne doit pas être prise à la légère. D’une part, parce que l’herbe n’est pas toujours plus verte dans l’entreprise d’à côté. L’expression est parfaitement appropriée dans le domaine des politiques écologiques souvent décriées pour greenwashing… Encore faut-il distinguer ce qui relève de l’action volontariste et de l’affichage intentionnel.

D’autre part, le critère de la finalité écologique n’est qu’un paramètre parmi d’autres pour décider de l’environnement de travail qui nous correspond vraiment. Changer de travail au motif que son métier n’est pas vertueux sur le plan écologique peut être une juste motivation.

Cependant, choisir un emploi pour le seul critère d’une activité qui concourt à la transition écologique serait une erreur. En effet, la motivation au travail est bien plus complexe qu’une équation à la seule inconnue de l’écologie.

Article de Laurent Polet, co-fondateur et Professeur en Management à l’Ecole Centrale Supélec


 

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