Que les DRH se rassurent : l’heure de la grande migration professionnelle n’est pas venue ! Ces communications disparates méritent en effet quelques décryptages utiles sur la réalité des chiffres de la reconversion. Explications par quelques rappels de bon sens.
Comment interpréter les sondages sur la reconversion professionnelle ?
Dans un sondage, on lit qu’un actif français sur deux souhaite « changer de métier ». Plus loin, un autre sondage soutient que deux tiers des cadres désirent « quitter leur poste ». Enfin, 20% des actifs seraient « en cours de reconversion professionnelle ».
Généralement, à la lecture des enquêtes, nous retenons les pourcentages, et nous prêtons moins d’attention à la tournure des questions posées. Or, les études récentes sur le changement professionnel ont interrogé les actifs sur leurs intentions.
La principale question de ce type de sondage sur la reconversion professionnelle est : « Envisagez-vous de changer de métier ? ». « Envisager » ne signifie ici nullement que les répondants sont passés à l’action. Et d’autant moins si l’horizon suggéré se situe entre 2 ans et 5 ans.
Au demeurant, on pourrait même douter de l’intérêt de cette question, sauf à confirmer que de nombreux actifs intègrent une forme d’évidence à la mobilité dans leur vie professionnelle.
De même, s’agissant d’intention, on se doute que de nombreux salariés aspirent secrètement à se reconvertir afin d’améliorer leur quotidien. Ces chiffres auraient donc tout au plus l’intérêt de montrer que l’envie de changement professionnel est largement répandue.
Cependant, on ne peut pas vraiment les traduire par une réalité de vagues de départs ou de démissions prochaines. Car, à l’inverse, lorsque les enquêtes sondent les freins possibles à la reconversion professionnelle, elles démontrent bien que l’appréhension du risque est de loin le premier facteur limitant pour le passage à l’action.
La crise peut freiner les projets de reconversion
En parlant de risque, faut-il à ce propos rappeler les circonstances que nous traversons en raison de la crise sanitaire ? Les crises ont toujours été synonymes d’un ralentissement de la mobilité professionnelle, et pas uniquement en raison d’une baisse du nombre de créations d’emploi. En effet, elles s’accompagnent invariablement d’un réflexe de prudence des actifs face à la reconversion.
Même les cadres privilégieront la sécurité de leur poste en attendant que l’orage passe. Lorsque les conditions de travail le permettent, et même s’il existe une aspiration à un changement de vie professionnelle, le rêve du job idéal ne fait pas vibrer des millions de salariés au point qu’ils se mettent en danger en pleine crise économique.
En l’occurrence, la crise du Covid-19 aura détruit des milliers d’emplois en France. Les acteurs de l’insertion observent que, pour les demandeurs d’emploi, la question de la reconversion professionnelle est loin d’être dominante. Leur priorité est de retrouver un emploi.
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Quand les chiffres sur les envies de reconversion nous trompent
Pourtant, il suffirait que les sondeurs appliquent leurs ratios à l’assiette de la population active pour mesurer l’effet d’illusion de ces statistiques. Annoncer que 50% des salariés vont changer de métier signifierait que plus de 15 millions de Français seraient en passe de se reconvertir. Un gigantesque jeu de chaises musicales, en quelque sorte.
C’est nier tout simplement l’évidence de la diversité des milieux professionnels, des catégories socioprofessionnelles pour prédire ces tendances irréalistes. Des ouvriers du bâtiment aux commerçants, des professions médicales à la fonction publique, des métiers du transport aux agriculteurs en passant par les métiers de l’artisanat et les indépendants…
Est-il vraiment raisonnable de considérer que tous ces secteurs d’activité connaitront une vague de ruptures qui affecterait un actif sur deux ?
Les réalités de la reconversion en temps de crise
Une fois dressé ce tableau général à l’aune d’un marché du travail très hétérogène, que peut-on dire de la réalité de ces envies de changements professionnels ? Certes, il existe bien dans cette crise des exemples de cadres qui ont fait le grand saut pour partir à la campagne, se lancer dans l’artisanat, se reconvertir dans l’agro-écologie …
Mais la raison de ces bifurcations tient-elle à cette crise sanitaire ? Est-ce en réaction aux dérèglements planétaires, ou par rejet de conditions de vie épuisantes ? Si relier les causes et leurs effets est toujours complexe à l’échelle individuelle, la crise sanitaire a opéré pour beaucoup comme un déclencheur ou un catalyseur évident de prise de conscience de la place à accorder à son travail.
Cependant, ces exemples de reconversions professionnelles, souvent médiatisés, provoquent un effet de loupe trompeur. Tirer des généralisations de ces témoignages est tout simplement hasardeux. Tout au plus, ces virages et ces chiffres seraient-ils la partie visible d’une aspiration croissante au mieux-être au travail.
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Mais il serait erroné d’en conclure à un indicateur avancé d’une vague imminente de reconversions. Derrière ces aspirations, se cachent en effet davantage des besoins d’équilibre, d’alignement et de sens au travail qu’une recherche à tout prix de changement professionnel radical.
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